La planète, soi et les autres
Prendre soin de notre demeure partagée qu’est cette planète participe non seulement à ce qu’elle soit plus durable, mieux préservée, mais motive aussi les autres à la soigner. Cela doit nous alerter sur notre responsabilité et nous redonner espoir quand nous manquons d’élan. Certaines personnes qui agissent au quotidien pour transmettre un monde plus solidaire et plus durable se sentent découragées devant l’ampleur de la tâche et la potentielle insignifiance de leurs actions individuelles. Pourtant, chacune de nos actions compte.
C. Lesire, I. Kotsou, C. André
Urgence climatique
Par François Margot
« J’ai la chance d’avoir la santé, d’être un grand-père heureux, d’habiter une région merveilleuse et d’avoir une carrière professionnelle passionnante, et pourtant je m’interroge.
Depuis une année des enfants, des jeunes du monde entier nous interpellent avec une vérité simple : nous savons ce qui se passe avec le réchauffement climatique et nous n’en tirons pas les conclusions qui s’imposent. Nous en connaissons très bien les causes : effet de serre provoqué par la révolution industrielle, par l’utilisation exponentielle des énergies fossiles, par la croissance à tout prix. Nous connaissons les conséquences dramatiques du réchauffement climatique et pourtant nous ne faisons rien.
Dès les années 1970 ces données étaient connues et des appels lancés. 20 ans plus tard, lors du sommet de la terre de Rio en 1992, les Etats se sont engagés à tenir compte du fait que la planète a des limites. L’économie a déclaré l’avoir compris et partout dans le monde des villes et autres collectivités locales se sont engagées sur des agendas 21. Nous avions les espoirs que la communauté internationale, les pays et le monde économique tiennent comptent du fait que les ressources de la planète ne sont pas inépuisables et que leur exploitation outrancière aurait de graves conséquences écologiques sociales et économiques. Il nous semblait que le concept de développement durable posait une nouvelle base pour l’avenir de l’humanité sur sa planète terre.
Aujourd’hui, une génération après, le réveil est brutal :
Lorsqu’à Rio, pays riches et pauvres se sont entendus pour réduire les gaz à effet de serre les émissions étaient de 26 milliards de tonnes de CO2 … et ce sont 43 milliards de tonnes de CO2 qui seront émis sur terre en 2019 !
A la COP 21, à Paris en 2015, les Etats se sont engagés à contenir d’ici 2100 la hausse des températures globales entre 1.5 et 2 degrés au dessus des niveaux préindustriels. Pourtant les concentrations de gaz à effet de serre continuent à augmenter. Aujourd’hui, même si les pays tiennent compte des promesses de réduction des émissions qu’ils ont faites, nous nous dirigeons vers une hausse de plus de 3 degrés de température. Le seuil au-delà duquel les effets les plus destructeurs du changement climatique seraient enclenchés est très probablement dépassé.
Sans oublier que l’urgence de la situation concerne tout autant la crise de la biodiversité. Il est normal que la vie évolue et que des espèces disparaissent, mais le taux actuel d’extinction des espèces est aujourd’hui plusieurs dizaines à centaines de fois supérieur à celui des 10 derniers millions d’années. Et la Suisse n’est pas en reste.
J’insiste : nous avions déjà ces connaissances dans les années 1970, et elles ont été intégrées dans des accords internationaux au début des années 90. Les jeunes ont raison : il semble que nous ayons perdu une, voire deux générations, pour agir. Une chose est donc sûre : nous ne pouvons pas continuer sur ce rythme, en nous cachant derrière de soi-disant impératifs économiques. Et ce regard en arrière nous démontre que face au défi climatique la sagesse des petits pas est un leurre… Si nous ne réagissons pas de manière radicale dès à présent, il sera trop tard.
C’est une vérité simple, évidente, mais tellement vertigineuse que nous ne l’enregistrons pas dans nos têtes. Il a fallu le courage et la maturité d’enfants pour nous ouvrir les yeux. Accordons à leurs appels l’attention qu’ils méritent. Et gardons-nous de nous réfugier derrière toutes sortes de jugements à l’égard de ces jeunes qui cherchent de nouvelles solutions, même provocatrices.
A l’évidence nos sociétés doivent être réformées en profondeur, mais nous n’avons pas encore le récit ou la représentation qui nous permette de nous engager autour d’une vision mobilisatrice. C’est pourquoi il faut encourager, ou au moins accueillir avec bienveillance, le foisonnement de nouvelles manières et expériences de penser et d’agir. D’où l’intérêt de toutes sortes d’initiatives citoyennes alternatives, ou de réflexions et actions politiques plus ou moins iconoclastes, basées sur la non-violence active. Cette créativité est aujourd’hui indispensable pour que de nouveaux modèles de société puissent émerger. A l’évidence, il faut travailler sur des engagements internationaux, au niveau des Etats. A l’évidence, comme déjà dit lors du premier sommet de la terre en 1992, il faut aussi, et simultanément, intégrer les changements nécessaires au niveau de l’économie, de nos entreprises, des transports et de la mobilité, au niveau de la société civile, de nos foyers et de nos comportements individuels. Et à celui des collectivités territoriales, chez nous cantonales et communales, qui sont à la base de notre vivre ensemble et de la garantie de l’intérêt général de l’évolution de nos contrées.
(…) Il est de notre responsabilité de prendre aussi en compte ces vérités qui dérangent, celles du réchauffement climatique et de la crise de la biodiversité, qui sont liées à notre mode de production et de consommation et qui bouleversent les équilibres planétaires. »
(François Margot, 7 décembre 2019)
Un effet de contagion
Par C. Lesire, I. Kotsou, C. André
« L’environnement dans lequel nous évoluons déteint sur nos comportements. Une étude a montré que les personnes jetaient plus facilement des papiers par terre en face d’un mur couvert de graffitis. Prendre soin de notre demeure partagée qu’est cette planète participe non seulement à ce qu’elle soit plus durable, mieux préservée, mais motive aussi les autres à la soigner.
Cela doit nous alerter sur notre responsabilité et nous redonner espoir quand nous manquons d’élan. Certaines personnes qui agissent au quotidien pour transmettre un monde plus solidaire et plus durable se sentent découragées devant l’ampleur de la tâche et la potentielle insignifiance de leurs actions individuelles. Pourtant, chacune de nos actions compte. Parce qu’elle peut être fondamentale pour la personne qui en bénéficie à ce moment-là, parce qu’elle vient s’ajouter à d’autres transmissions et, enfin, qu’elle permet l’émergence de quelque chose de plus grand que la simple addition de bonnes volontés.
Nous sommes une espèce qui transmet et la transmission est donc au cœur de notre humanité. Donner, recevoir, redonner à son tour, est vraiment au cœur de la transmission, et au cœur de notre dignité et de notre intelligence d’être humain, quand nous nous en servons bien. Dans ce contexte, prenons le temps de nous poser ces questions : « Qu’est-ce que je veux donner aujourd’hui ? Qu’est-ce que je veux redonner ? Comment et que vais-je partager ? »
Rappelons-nous que dans le plus anodin de nos comportements, un regard, un sourire, une main tendue, réside déjà la transmission. Alors, aujourd’hui, que vais-je transmettre vraiment, vraiment ? »
(C. Alvarez, C. André, C. Gueguen, I. Kotsou, F. Lenoir, C. Lesire, F. Lopez, M. Ricard, Transmettre ce que nous nous apportons les uns les autres, L’Iconocalste, 2017. J’ai lu, 2019.)